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La mer rouge 

Permettez-moi de vous raconter une histoire semblable à une histoire d'horreur, une histoire pourtant vraie, que d'autres Chinois n'oseraient pas raconter. Il existe un phénomène intéressant dans l'histoire chinoise, celui de la récurrence régulière de périodes de grande extermination. En voici quelques exemples :


1. De 156 avant notre ère à 263 avant notre ère, la population chinoise passe de 56 millions
d'habitants à 8,2 millions ;
2. Entre 1122 et 1274, le nombre d'habitants en Chine passe de 93,47 millions à 8,87 millions, soit
un déclin de 91% de la population totale ;
3. De 1630 à 1651, le nombre de Chinois passe de 192,5 millions à 25 millions ;
4. Entre 1777 et 1786, la Chine perd 110 millions de ses habitants ;
5. Enfin, de 1851 à 1863, la Chine a perdu près de 200 millions de personnes.


Il y a quelques années, lorsque j'ai découvert que de tels déclins périodiques de la population étaient arrivés, j'ai été horrifié et j'avais du mal à croire en la véracité de ces faits. Mais les chiffres ne mentent pas. La réalité rattrape finalement la fiction telle que la décrit Joseph Conrad dans Au cœur des ténèbres, notre civilisation est finalement semblables à ce trou noir au fond du fleuve Congo que suit le protagoniste, au bout duquel la lumière de la civilisation ne brille plus. L'histoire est finalement faite d'épisodes cachés, que l'on ne sait pas. Ces chiffres concernant le nombre de morts en Chine sont semblable aux massacres qui se passaient au bout du Congo : personne ne savait. Et les hommes perdent tous leur identité, leur individualité, pour devenir l'un des millier, des millions de morts. C'est ça, l'histoire. Et est-ce seulement en Chine que de telles choses peuvent se produire ? Je me demande parfois comment les consommateurs immergés dans l'ordre numérique sont devenus le prix de la marche de l'histoire.

 

Pieter Brueghel l'Ancien a peint une telle scène dans ses Chasseurs dans la neige. La terre prend la forme d'un vieil homme paisible sur lequel les gens jouent joyeusement. Et dans un coin, caché, se trouve la porte des enfers cachée au bord d'une maison, condamnée, pour l'instant, par des stalactites. Au début, je pensais que Brueghel peignait des histoires mythologiques, mais en grandissant, je me suis rendu compte qu'il peignait la réalité. Pendant les trente années d'âge d'or qui ont suivi la guerre froide, les gens ont profité des dividendes, de la mondialisation et du développement technologique, s'appuyant sur divers instruments financiers pour se créer une vie heureuse dans la consommation. Mais avec tout ce bonheur, je me suis rappelé que les gens semblent oublier ce sur quoi les parties les plus importantes de l'histoire sont écrites. Que retient-on finalement dans l'histoire ? Comment est-elle écrite ?

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